Un voyage dans mon
autobus 802 c'est comme le voyage d'Alice au pays des Merveilles.
C'est rempli d'enchantement et surtout d'imprévu. Certains diront
que c'est l'effet de mon imagination et d'autres que cela est vrai.
À vous de choisir…
Aujourd'hui, il
pleut. Je suis déjà dans cet autobus depuis quelques minutes
lorsque le plus important des arrêts aligne de nombreux passagers.
Nous sommes dans le secteur des migrants de ma ville. À chaque
embarquement d'un passager … l'autobus tangue. Il doit y avoir au
moins une quinzaine de personnes qui attendent et dont le poids est
certainement au-dessus de 100 kilos.
Ma 802 est déjà
pleine et ça pousse ce monde-là. Une dame … non, car son langage
n'avait rien d'une dame … une passagère me dit : « Donne-moi
ta place » … Je lui demande pardon pour être bien sûr
d'avoir compris et elle me dit de nouveau : « Je t'ai dit
de me donner ta place! ». Bon ça y est, on va avoir de la
contestation.
Je l'ignore et je
regarde par la fenêtre. Elle revient à la charge et avec une tape
sur l'épaule, elle me dit de nouveau dans son accent : « Je
pense que t'as pas compris, je t'ai dit de me donner ta place. »
Je lui réponds que mes cheveux blancs sont fatigués et qu'ils vont
conserver le siège. Elle rapplique pour me dire que l'on doit
toujours offrir son siège à une dame … Mais cette fois, je la
regarde et je ne dis pas un mot sauf que mes beaux yeux parlent …
Je ne vois pas de dame.
Voyant sa lutte
vouée à l'échec, elle fait un 180 degrés et s'assoie sur une de
mes cuisses … Avec un popotin d'un mètre cinquante de large et
d'environ 50 kilos … ça c'est toute une coupe de viande … elle
me martyrise les articulations.
Je lui dit :
« Madame, c'est un assaut et si vous ne vous enlevez pas, je
vais être désagréable. » Des personnes autour de moi
cachent leur sourire … non, leur rire … N'écoutant que mon
courage et voyant que ma descente approche, je tire ma jambe
endolorie vers moi et me lève rapidement. Ce qui devait arriver …
arriva… et le plancher a tremblé. Vivement la porte de sortie et
hourra pour mon déguerpissement. Je suis sauf, mais je boite … je
me souviens de cette célèbre phrase … à vaincre sans péril, on
triomphe sans gloire.
La coupe des
souffrances n'a pas la même taille pour tout le monde. - Paulo
Coelho